Syndicat Unifié et Caisses d’Épargne, un parcours indissociable
Les Caisses d’épargne existent depuis plus de 200 ans, mais le personnel n’a commencé à s’organiser que cent ans plus tard, en 1918. Il faut dire qu’à l’époque elles étaient émiettées, il y en avait plus de 500 et les personnels étaient peu nombreux, environ 2500.
Des deux organisations existantes entre les deux guerres – l’Amicale et le Syndicat – il ne reste rien, sinon notre mutuelle qui est la lointaine descendante du secours mutuel de l’Amicale. C’est que ces deux instances, sans qu’on puisse vraiment parler de collaboration, s’étaient quelque peu déconsidérées sous le régime de Vichy.
Après la guerre, sont apparues les formes modernes du syndicalisme. Ce fut d’abord la CGT qui s’implanta dans nos entreprises. Son congrès fondateur date de mai 1945. Elle régna immédiatement dans le représentation du personnel et édita les premiers Trait d’Union.
La naissance du Syndicat Unifié
Mais le syndicalisme français a connu une grave crise en 1947. Des membres de la CGT n’acceptant pas la domination communiste, et quelque peu aidés par la CIA, ont créé le syndicat Force Ouvrière. Quelques professions, parmi lesquelles la notre, ou l’éducation nationale par exemple, ont refusé que cette division s’installe chez elles et ont créé des structures spécifiques à vocation unitaire. C’est ainsi qu’est né, à l’initiative de ceux qui dirigeaient la CGT, en 1948, lors d’un congrès qui s’est tenu à Colmar, le Syndicat Unifié, qui s’appelait alors Syndicat Unifié des Agents et Cadres des Caisses d’épargne (SUACCE). On voit, dans cette premier dénomination même, la volonté qui était déjà celle de nos prédécesseurs d’unir tous les personnels, cadres dirigeants et agents.
Reprenant des revendications d’avant-guerre, le SUACCE a mené dès sa naissance deux combats majeurs.
Le statut du personnel
La notion de Statut est une référence à la fonction publique. Les agents des Caisses d’épargne, se considérant au service du public, voulaient bénéficier d’un Statut qui leur donnerait des garanties, en particulier en matière de progression des carrières et de stabilité professionnelle. Ils avaient déjà obtenu un Statut avant le second conflit mondial, mais une première version, en 1930, n’était pas obligatoire et donc ne fut quasiment pas appliquée et une autre, en 1937, elle aussi insatisfaisante, fut balayée par la guerre. Dans l’atmosphère de progrès social de l’immédiate après-guerre, un Statut fut enfin décidé en décembre 1947. Il s’accompagnait de la création d’une Commission Paritaire Nationale (CPN) ayant pour mission de l’élaborer et de le faire évoluer.
La caisse générale de retraite
En 1945, au plan général, a été mise en place la retraite de base, celle de la sécurité sociale, qui repose sur le principe de la répartition, mais le système est plafonné. Très vite apparaissent donc des revendications deretraites complémentaires. Le système de plafonnement les pénalisant particulièrement, ce sont les cadres qui les premiers créent l’AGIRC. Pour les autres salariés, c’est par professions, ou par branches, que les choses se mettent progressivement en place. En 1961, seulement, l’ensemble de ces caisses complémentaires se regrouperont au sein de l’ARRCO. Il faudra encore attendre 1973 pour que l’adhésion à un régime complémentaire soit obligatoire.
C’est à l’intérieur de ce vaste mouvement de création de Caisses de retraites propres à des branches professionnelles que la revendication du SUACCE aboutira. La Caisse Générale de Retraites des Caisses d’épargne (CGR) verra concrètement le jour le 1er janvier 1952. Elle se veut une sorte de régime complémentaire spécial, recueillant les cotisations dues à ce titre, et donc refusant l’adhésion à l’AGIRC et à l’ARRCO.
Les Caisses d’épargne pendant les « trente glorieuses »
Jusqu’à l’aube des années 1980 les Caisses d’épargne sont des entreprises d’abord mono-produit (le livret d’épargne), puis se diversifiant assez peu. Elles ont un statut sui generis. Elles jouent un rôle majeur dans l’économie car les sommes gigantesques déposées sur le livret d’épargne sont transformées par la CDC en prêts qui viennent soutenir l’économie et le logement social. D’où leur grande proximité et leur présence populaire partout. Elles sont très nombreuses (le maximum sera atteint au milieu des années 50 avec 580 entreprises), multiplient les points de vente et sont dirigées par des administrateurs bénévoles, notables locaux cooptés, sans compétence.
Selon un dispositif juridique qui sera contesté, la CPN ne peut prendre de décisions qu’à l’unanimité. C’est donc un système par cliquet : dès qu’une disposition favorable au personnel est prise – et le SUACCE, en position de force, en impose beaucoup – on ne peut pas revenir dessus. Le statut du personnel ainsi élaboré installe progressivement un contrat collectif très avantageux pour les salariés des Caisses d’épargne, aussi bien en termes de salaires que d’évolution de carrière, de congés ou de protection. C’est un statut qui organise des carrières longues (on est recruté avant trente ans) et toujours en amélioration, en particulier salariale. En 1981 un journaliste à sensation, (François De Clozet – Toujours plus) , voulant écrire sur les « privilèges » mit en avant notre profession, avec pas mal de mauvaise foi et d’affabulations, mais on peut le reconnaître avec le recul, un fond de vérité.
Il en va de même pour la retraite. Plus longtemps encore, pendant près de cinquante ans, grâce à des cotisations supérieures, la CGR versera aux retraités des Caisses d’épargne des prestations nettement plus favorables que celles versées dans les professions comparables, dans des conditions de départ également plus intéressantes. Les hommes partent généralement à 55 ans et les femmes – peu nombreuses – à 50 ans.
Sur la fin de la période, c’est à dire à partir du début des années 1970, le moment où l’activité des Caisses d’épargne entame un début de diversification, le patronat commence à se professionnaliser et à s’organiser. Les effectifs ont sérieusement augmenté (26 000 à l’aube des années 80), mais il y a toujours près de 500 caisses d’épargne. Un organisme national, l’UNCEF, est créé. Plus vindicatif, il veut supprimer le statut du personnel et le remplacer par une convention collective, moins favorable et plus facile à dénoncer. Les années 70 seront des années d’une intense lutte aussi bien juridique que strictement syndicale. La SUACCE fait la démonstration de sa capacité à mobiliser le personnel en développant de nombreuses grèves, aussi bien nationales que locales.
Une réforme continue
Entre 1983 et 2009, les Caisses d’épargne vont dix fois plus changer qu’elles ne l’ont fait dans le siècle et demi qui a précédé. Elles seront réformées à diverses reprises pour devenir des banques de plein exercice et le personnel aura à subir de nombreuses attaques, se défendant grâce à un syndicat toujours dominant, malgré l’apparition d’autres organisations.
La grande loi de réforme de 1983 remplace les Conseils d’administration par des COS élus dans lesquels siègent des représentants du personnel. Jusqu’à aujourd’hui, le Syndicat Unifié a largement investi ces instances, même si leur rôle s’est avéré décevant. Un chef de réseau (CENCEP, puis CNCEP) essaie de s’affirmer, alors qu’un vaste mouvement de fusions réduit le nombre de caisses au début des années 1990 (elles passent en une seule fois à une trentaine, puis progressivement jusqu’à la situation actuelle où elles ne sont plus qu’une quinzaine). Diverses dispositions législatives, en particulier une loi en 1999 fortement combattue, dessinent un réseau adoptant un statut connu, les statut coopératif, et qui finira, en 2006, par se séparer dans des conditions financièrement désastreuses, de la Caisse des dépôts et consignations.
Face à un patronat déterminé à faire reculer les avancées obtenues dans la période précédente, le SU, devenu SUPRCE (Syndicat Unifié du personnel du Réseau des Caisse d’épargne) à la fin des années 80, cherche à favoriser la négociation. Les sorties de conflit se sont organisées en préservant chaque fois le mieux possible les intérêts du personnel.
Le statut du personnel… ou ce qu’il en reste
Il ne reste plus du statut des trente glorieuses que la commission paritaire nationale, mais sans son ancien mode de fonctionnement, et quelques dispositions qui n’ont pas été abrogées.
Après être passés de l’unanimité à la possibilité pour des organisation majoritaire de s’opposer, nos patrons ont fini par obtenir du législateur, en 2003, un retour à ce qu’était alors le droit commun, c’est à dire la possibilité de traiter avec un syndicat minoritaire. Malgré cette difficulté, pendant toutes ces années notre organisation a fait évoluer, à travers des accords difficiles, le cadre de travail collectif dans les Caisses d’épargne. Des accords de classification, en 1985 et 1987, puis en 2002 (non signé par le SU) sont venus organiser le travail du personnel. Nous avons pendant tout ce temps, vaille que vaille, négocié des dispositions sur la formation professionnelle, sur le droit syndical, sur la gestion prévisionnelle des emplois etc. Nous avons également réussi à maintenir un haut niveau de protection sociale complémentaire, avec une bonne couverture de la longue maladie et de l’invalidité, via la CGP, et bien sûr la complémentaire santé, à travers notre mutuelle qui s’appelait alors Mutuelle Nationale des Caisses d’épargne (MNCE). La bonne implantation du syndicat au plan local, grâce à un travail de proximité, a permis également d’obtenir des avancées propres à chaque entreprise.
La retraite
Il y avait une volonté, à la fois politique et patronale, d’en finir avec notre régime particulier de retraite. Le syndicat Unifié a tenu le plus longtemps possible, car même s’il savait qu’il serait difficile de résister à une telle pression, il considérait que plus la sortie serait tardive, plus elle se ferait au bénéfice du personnel en place. Mais il fallait aussi penser à l’avenir. C’est pourquoi l’accord finalement signé, qui nous intègre à l’ARRCO et à l’AGIRC au 1er janvier 2000, fige l’avantage spécifique sous forme d’un maintien de droits, sécurisé et provisionné, pour tous les retraités et personnels en place avant cette date, et inaugure un nouveau régime supplémentaire, très novateur, pour les périodes postérieures.
Le SU, conformément à son histoire, aura alterné dans ces difficiles périodes des moments de négociation et des moments de lutte, mobilisant le personnel pour des grèves très suivies dans les années 1998/1999 pour éviter la casse de la profession, et en 1999 pour sortir de l’ancien régime de retraites dans les conditions les plus favorables.
La problématique de l’autonomie
Dès 1981 , le syndicat Unifié a conscience que l’autonomie, qui constitue sa marque de fabrique, présente aussi des inconvénients, surtout eu égard au poids dans les négociations nationales des cinq grandes confédérations. Une première expérience de rapprochement entre divers syndicats ayant des parcours proches est organisée. A nos côtés se trouvent alors le SNUI (impôts) la FGAAC (SNCF), la FGSOA (ouvriers agricoles), la FASP (police), le SNJ (journalistes) etc. En tout dix organisations syndicales, d’où le nom de Groupe des dix, qui s’élargiront par la suite. A la fin des années 90, plusieurs syndicats membres connaissent une évolution qui conduira à la création de SUD, selon un parcours qui n’est plus conforme à nos valeurs. En 2004, compte tenu de l’évolution générale du paysage syndical (suite en particulier à l’éclatement de la fédération de l’éducation nationale – FEN – une dizaine d’années auparavant) le Syndicat Unifié sort définitivement de son isolement et adhère à l’UNSA. Il devient le SU-UNSA.
À partir de 2009, l’ère BPCE
Les équipes dirigeantes à la tête des Caisses d’épargne après 1983 n’ont pas toujours été brillantes, mais la dernière fut catastrophique. Dans leur volonté de faire à marche forcée de notre groupe une « banque comme les autres », elles ont commis deux erreurs majeures. D’abord, comme on l’a vu, la séparation avec la CDC, mais aussi la création de NATIXIS, une banque d’investissement née de la fusion d’IXIS (CDC puis CE) et de NATEXIS (Banques populaires) qui enchaîne de graves erreurs de gestion, en particulier au pire moment, celui de la crise des subprimes. Le SU-UNSA a, à plusieurs reprises, dénoncé les errements managériaux de cette période.
En 2009 les Caisses d’épargne sont au bord du désastre financier et doivent accepter un rapprochement avec les banques populaires par la création du groupe BPCE.
Même si les différentes entreprises gardent leur marque (Caisse d’épargne et Banque populaire, mais également NATIXIS, Crédit Foncier, Banque Palatine etc.) c’est bien un nouveau groupe qui apparaît, sous la direction de celui qui en a piloté la création dans sa fonction de secrétaire général adjoint de l’Élysée, François Pérol (auquel succédera en 2018 Laurent Mignon).
L’adhésion du SU à l’UNSA, cinq ans plus tôt, prend alors tout son sens. L’UNSA existe dans les autres entités du groupe, quoique de manière plus minoritaire. Cela nous permet d’y être la première organisation syndicale devant, dans un mouchoir de poche, la CFDT et la CGC, les autres OS n’étant pas représentatives.
La représentativité
Le Syndicat Unifié, toujours attaché à la branche Caisse d’épargne, a maintenu pendant cette période sa représentativité professionnelle et son haut degré d’adhésion, rare dans le secteur privé et plus encore dans le monde bancaire. Notre mutuelle est devenue BPCE-Mutuelle et a vocation – bien que ce soit très difficile – à couvrir l’ensemble du Groupe. Le Syndicat Unifié a toujours essayé de jouer son rôle de syndicat réformiste, capable de compromis raisonnables pour obtenir des accords, n’y parvenant pas toujours face à un patronat trop souvent intransigeant.
L’instauration des CSE en 2018, suite aux ordonnances Macron, a fortement impacté la représentation du personnel. La disparition des Délégués du personnel et des CHSCT a concentré l’ensemble de leurs prérogatives sur les seuls élus des Comités sociaux et économiques (CSE).
La mise en place des CSE dans les entreprises, entre 2018 et 2020, aurait pu s’avérer être une remise en cause du paysage syndical dans la Branche Caisse d’épargne. Même si certaines évolutions ont pu être constatées, le Syndicat Unifié-Unsa conforte sa représentativité à plus de 35%, preuve s’il en fallait qu’un syndicalisme innovant et différent a plus que jamais sa place dans cette période de mutation accélérée de l’environnement professionnel et social !