Le Trait d’Union, journal d’information du Syndicat Unifié-Unsa, est adressé chaque trimestre au domicile des seuls adhérents actifs et retraités. Découvrez ci-après un article de la rubrique “ÉCHOS DU GROUPE”…
ÉPARGNE POPULAIRE ET FINANCEMENT DE L’INDUSTRIE DE GUERRE
Un projet toxique
Après une première offensive parlementaire en novembre dernier, visant à orienter l’épargne populaire vers le financement de l’armement, une nouvelle charge a été portée au Sénat en mars.
Aux prétextes de tension internationale et de faiblesse de nos équipements, les instigateurs de cette initiative voient dans les quelque 560 milliards d’euros déposés sur le livret A et le LDDS une manne opportune pour financer la défense.
Le texte de novembre avait été retoqué par le Conseil Constitutionnel et l’initiative sénatoriale de mars semble se heurter à la volonté gouvernementale exprimée par Bruno Lemaire. Si ce dernier rappelle la fonction première du livret A (financement du logement social), il évoque néanmoins l’idée d’un produit d’épargne dédié, déjà évoqué par certains parlementaires défendant le principe d’un « livret d’épargne défense souveraineté ».
UNE TRÈS MAUVAISE IDÉE
C’est une bien mauvaise idée que de vouloir détourner l’épargne des Français pour financer l’effort de guerre. Elle est d’autant plus funeste que la situation du logement ne cesse de se dégrader. La demande est en augmentation (nombre de sans domicile et de demandeurs en attente d’un logement social) alors que l’offre stagne en raison notamment du renchérissement du coût de l’immobilier.
L’exercice est d’autant plus périlleux qu’il touche au cœur même du dispositif reposant sur le lien séculaire de confiance des Français envers ce produit d’épargne.
La banalisation du livret A, obtenue par les banques en 2009, après des années de procédure, a déjà ouvert une brèche dans le dispositif. Si la Commission européenne avait alors exigé que toutes les banques puissent distribuer le livret A, elle n’exigeait pas que les fonds de l’épargne populaire soient mis à disposition des banques, au détriment de la Caisse des dépôts et consignations, premier financeur du logement social.
Cette faveur faite aux banques aurait dû appeler de très sérieuses contreparties en termes d’intérêt général, notamment sous l’angle du financement de la transition écologique.
COUPLET PATRIOTIQUE
Si l’armée française semble souffrir de quelques retards, résultant de décisions budgétaires antérieures et d’échecs industriels, la situation ne justifie pas pour autant de faire appel aux Français pour financer « l’effort de guerre » comme en 1914 par exemple.
N’en déplaise au député Horizon Christophe Plassard (rapporteur de la proposition de loi sur l’orientation de l’épargne populaire vers l’armement), le moral en berne des Français n’est pas dû aux difficultés d’armement de la France, mais aux problèmes de pouvoir d’achat, santé, environnement, mal logement…
Dans ce contexte il est vain, comme il le fait dans son rapport, d’entonner le couplet patriotique visant à « impliquer les citoyens dans la mise en œuvre de l’économie de guerre et donc renforcer les forces morales de la Nation ».
Cet article est signé par Serge HUBER
ancien secrétaire général Syndicat Unifié-Unsa