Le Trait d’Union, journal d’information du Syndicat Unifié-Unsa, est adressé chaque trimestre au domicile des seuls adhérents actifs et retraités. Découvrez ci-après un article de la rubrique “ÉCHOS DU GROUPE”…

 

RENOUVELLEMENT DES ÉLUS DU PERSONNEL

 

État et patrons se sont tirés une balle dans le pied…

Six ans après les ordonnances Macron qui ont amoindri les moyens des représentants du personnel, la fonction attire moins. La situation n’est pourtant pas désespérée, car la volonté d’affaiblissement des syndicats s’avère être une erreur et que des moyens existent pour mobiliser les jeunes générations.

On se souvient qu’un des premiers actes du président de la République Emmanuel Macron, à l’automne 2017, a été de s’attaquer à la représentation du personnel dans les entreprises. On sait depuis Mitterrand que les Présidents considèrent qu’ils doivent utiliser ce que celui-ci avait appelé « l’État de grâce » (ce moment où le peuple est dans l’acceptation et l’opposition dans la rumination de sa défaite) pour procéder aux réformes qu’ils considèrent comme les plus fondamentales. Ainsi, s’attaquer à la représentation du personnel, supprimer les délégués du personnel, créer les CSE, dotés de beaucoup moins de moyens, en lieu et place des Comités d’entreprise, supprimer les CHSCT, était considéré comme majeur par la présidence Macron. On a vite compris que le but était d’affaiblir les corps intermédiaires que sont les syndicats, comme le souhaitait en général le patronat et comme le voulait l’État-patron lui-même.

PÉNURIE ORGANISÉE

Plus de six ans après, au moment où de nombreux CSE ont été ou sont sur le point d’être renouvelés, on constate les dégâts de cette politique. Tous les syndicats s’accordent à dire que la relève est difficile, qu’ils ont du mal à trouver de nouveaux candidats. Là où les délégués du personnel assuraient, avec leurs moyens limités mais importants du fait de leur très grand nombre, une proximité de terrain avec les salariés, là où les membres des comités d’entreprise disposaient de réels moyens pour assurer leurs fonctions, là où les CHSCT exerçaient un véritable pouvoir d’investigation et de contrôle, tout repose désormais sur les seuls élus des CSE, disposant de moins d’heures, moins de moyens, moins de prérogatives. Il faut ajouter à cet affaiblissement objectif, des employeurs qui se sont souvent radicalisés et qui de plus en plus se moquent comme d’une guigne de ce que disent les syndicats ; il faut y ajouter l’inquiétude pour la suite de la carrière (car le nombre de mandats a été limité), il faut y ajouter enfin une charge mentale plus lourde car les conditions de travail n’ont cessé de se dégrader, avec le stress des salariés qui va avec, les risques psycho-sociaux, le burn-out, et on sait que, dans ces cas-là, les représentants du personnel sont aux premières loges pour encaisser le mal-être.

CORPS INTERMÉDIAIRES…

Bien sûr, la situation n’est pas totalement dramatique. Si beaucoup de représentants sont tentés de lâcher l’affaire, d’autres voient les aspects positifs et ils ne sont pas négligeables. D’abord – et c’est un point qu’il ne faut jamais oublier – la satisfaction d’être utile aux autres. Ensuite, être représentant du personnel, c’est acquérir des compétences in vivo bien supérieures à ce que n’importe quelle formation de laboratoire ne pourrait apporter. C’est le cas en matière de connaissance de l’entreprise, de ses comptes et de ses stratégies, c’est le cas en matière de progrès dans les modes d’expression, aussi bien écrite qu’orale, c’est le cas en matière de relations humaines, c’est le cas en matière de technique de négociation. Toutes expertises pointues dont certains patrons ont compris qu’elles étaient précieuses. Ces employeurs qui n’hésitent pas à faire confiance à d’anciens représentants du personnel lorsqu’ils veulent évoluer dans leur carrière, sont malheureusement minoritaires. La majorité d’entre eux restent sur une conception archaïque du dialogue social, dans lequel le représentant du personnel est l’ennemi, l’empêcheur de tourner en rond qu’il convient d’ostraciser.

…OU CHIENLIT ?

Bien sûr, les syndicats arrivent vaille que vaille à constituer des listes de candidats pour les élections, mais cette situation est très dommageable, non seulement parce qu’elle fragilise l’indispensable dialogue social, mais parce qu’elle laisse la rancœur se développer hors de tout cadre. Jadis, à l’époque où le marché du travail était particulièrement tendu, cela se traduisait par les fameuses coordinations qui se sentaient acculées à des modes d’actions brutaux. Aujourd’hui, dans un marché du travail plus fluide, cela se traduit par un nomadisme des salariés, par la disparition de l’attachement à l’entreprise, quel que soit son statut, par l’individualisme et la recherche de son seul propre intérêt. La récente dégradation de la productivité des travailleurs français, la hausse et l’allongement des arrêts de travail, ainsi que le turnover généralisé en sont les symptômes.

FAIRE ÉVOLUER LE LOGICIEL

Pour que les choses évoluent, et en particulier pour qu’il y ait un véritable changement générationnel dans la représentation du personnel, il est indispensable que syndicats et employeurs procèdent à une révolution mentale. Du côté patronal, il faut considérer le moment syndical comme un moment indispensable et formateur. On devrait trouver le fait syndical, par exemple, son rôle et son importance, dans tous les parcours officiels d’intégration des nouveaux salariés. Et en aval, les compétences spécifiques acquises pendant le mandat syndical devraient être mieux reconnues, mieux valorisées lorsque les représentants souhaitent se réorienter. Du côté syndical, il faut voir que les générations plus jeunes ont des préoccupations nouvelles, pas toujours prioritaires chez les plus âgés. Il en va ainsi des enjeux liés à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). La loi Climat et Résilience a ajouté aux prérogatives du CSE les conséquences de l’activité de l’entreprise en matière environnementale, il faut s’y investir à plein. La mobilisation syndicale autour de la réforme des retraites a également modifié l’image des syndicats auprès de toutes les catégories de la population, particulièrement les jeunes. C’est sans doute le moment, pour les syndicats, de faire évoluer leur discours et la hiérarchie de leurs revendications, de manière que leur rôle soit adapté aux préoccupations de tous

LES CHIFFRES
Le dernier baromètre du dialogue social IFOP/Syndex montre qu’en fin de mandat 23 % des représentants du personnel ne souhaitent pas se représenter. Parmi eux 43 % trouvent que la fonction demande trop de temps, 37 % partent à la retraite et 32 % renoncent à cause du manque de considération des directions (plusieurs réponses possibles).

 

Cet article est signé par Henri BONETTI
ancien Secrétaire général Syndicat Unifié-Unsa