Le Trait d’Union, journal d’information du Syndicat Unifié-Unsa, est adressé chaque trimestre au domicile des seuls adhérents actifs et retraités.Découvrez ci-après un article de la rubrique “HISTOIRE D’EN RIRE”…

D’autres caricatures…

Au cinéma, l’opposition virulente entre un curé de campagne et le maire de son village renvoie à la saga des « Don Camillo », désormais très datée. Dans le Tarn, il en existe pourtant une déclinaison qui dure depuis 25 ans…

Souvenons-nous… L’inénarrable Fernandel incarnait Don Camillo, truculent curé de campagne, totalement investi dans sa paroisse et en opposition constante avec Peppone, le maire communiste du village de Brescello, campé par un Gino Cervi à la fois plein de bonhomie et de malice. Entre eux, toutes les occasions étaient bonnes pour s’écharper : scénaristes et acteurs s’en donnaient alors à cœur joie dans la carricature. L’exploitation de ce filon donna lieu à 6 films et quelques parodies publicitaires. Il en reste des traces dans le nord du département 81.

 

PLANTONS LE DÉCOR

Il est bon de rappeler qu’aux termes de la loi du 9/12/1905[1] et de celle du 2/01/1907[2], si les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant (y compris les cloches) sont laissés gratuitement à la disposition de la paroisse, les frais d’entretien et de conservation sont exclusivement à la charge de la commune. Est ainsi planté le décor portant en germes quelques empoignades entre le maire, en charge d’un budget communal souvent étriqué, et le curé désireux de célébrer l’office devant ses ouailles dans les meilleures conditions.

Et voilà qu’on apprend, dans les colonnes de la Dépêche du Midi, sous la plume de Richard Bornia, qu’il existe un petit village tarnais de 238 habitants où, dans un registre similaire, la tension ne retombe pas depuis 25 ans ! Objet du litige, une fresque recouvrant les murs du chœur de l’église qui est occultée par une tenture de 12 mètres… et nul n’est autorisé à voir ce qui se cache derrière ! Pourquoi un tel mystère ?

FRESQUE SACRILÈGE

À Livers-Cazelles, puisqu’il s’agit de cette commune, l’affaire remonte à 1998 : les murs du chœur de l’église Saint-Pierre sont défraichis et par endroit quasiment lépreux. Le maire de l’époque (décédé depuis) est donc saisi d’une demande insistante de rénovation. Bon gré mal gré, il s’exécute et missionne un artiste audois aux fins de restauration. Celui-ci, inspiré ou conseillé par l’édile (nul ne le saura puisque l’artiste est également décédé depuis), décide d’y reproduire son interprétation très personnelle de la Cène.

La fresque est ainsi décrite par les rares privilégiés ayant pu l’apercevoir dans son entier : à droite il y a le maire et les membres du conseil municipal et, à gauche, on reconnaît des gosses du village tous laids. La secrétaire de mairie figure également dans le tableau, en minijupe et en position de starlette, les mains sur les hanches, posture que certaines, sans ambages, qualifient de lascive. Pour celles de ces dames les plus anciennes, fréquentant assidument l’édifice religieux, et qui ont pu jeter un œil coupable sur la fresque impie, aucun doute : « l’artiste nous a pris pour des ploucs ! ».

 

LE CURÉ EN FAIT UNE SCÈNE

Ulcéré, le curé de l’époque ne décolère pas et refuse de célébrer l’office sous le regard du maire et de ses conseillers, dont la représentation dans cet épisode fameux du christianisme relève du sacrilège.

Comment sortir de cette situation ? Repeindre pour masquer la coupable reviendrait à effacer l’image de certains habitants, aujourd’hui disparus, mais qui ont compté dans la commune ! Et où trouver le budget pour cet acte qui reviendrait à faire disparaître un pan entier de l’histoire du village ?

C’est ainsi que s’est imposée la solution de l’occultation rédemptrice par une tenture qu’il est désormais interdit de soulever. Malgré le secret qui l’entoure, puisqu’il est impossible de trouver une représentation de la fresque contestée, cette histoire fait sourire dans les communes alentour. Les villageois brocardés se sentent quant à eux souvent réduits à cet épisode qui reste très sensible… depuis 25 ans !

[1] Concerne la séparation des Églises et de l’État
[2] Relative à l’exercice public des cultes


Cet article est signé par.Bernard CHARRIER

ancien Secrétaire général Syndicat Unifié-Unsa