Le site Moneyvox, ex cBanque, publie le témoignage d’un conseiller financier au bord de la démission. Toute ressemblance avec des situations connues en Caisse d’épargne… serait loin d’être fortuite ! Cet article tombe à point nommé pour illustrer le chemin à accomplir à travers la QVCT.
Contenu intégral de l’article de Vincent Mignot
Thomas est conseiller financier depuis une dizaine d’années. Sous couvert d’anonymat, il a accepté de nous raconter ses déceptions et ses doutes. Son témoignage, évidemment, n’est pas représentatif de toutes les expériences vécues par les conseillers financiers. Mais il fournit un bon aperçu des difficultés de leur métier.
Thomas (prénom modifié), pouvez-vous nous raconter votre parcours dans la banque ?
« J’ai commencé à travailler il y a une dizaine d’années, en alternance, pour une banque commerciale, qui a financé mes études puis m’a embauché en CDI. Les conditions de travail y étaient déplorables. Je travaillais dans une agence située dans un quartier difficile. Les clients étaient très agressifs, nous avions souvent la police à l’agence. S’y ajoutait une pression folle : un brief commercial tous les matins, des chiffres à remonter tous les soirs, de nouveaux plans commerciaux toutes les semaines… L’humain est complètement évacué, tout n’est que chiffres et tableaux. Je travaille désormais pour une banque régionale mutualiste. »
« L’humain était complètement évacué, tout n’était que chiffres et tableaux »
Avez-vous vu une différence entre la banque commerciale de vos débuts et cette banque mutualiste pour qui vous travaillez aujourd’hui ?
« Pas vraiment. Ici aussi, c’est challenge commercial sur challenge commercial. Nous sommes classés en permanence, en fonction de nos résultats, que nous devons faire remonter chaque jour. Cette pression commerciale occulte tout, et certains en arrivent à faire des choses qui ne respectent ni les clients, ni même la loi. »
Votre employeur vous demande-t-il de donner la priorité au commercial, aux dépens de l’intérêt du client ?
« Non. On nous demande d’être en conformité, de faire de la satisfaction clients… Mais, en réalité, le commercial prime. D’ailleurs, au sein de l’entreprise, on ne nous appelle pas des conseillers, mais des vendeurs. Ceux qui sont valorisés par le management sont souvent les moins bienveillants avec les clients. »
« Ceux qui sont valorisés par le management sont souvent les moins bienveillants avec les clients »
Vous êtes un tiers de confiance pour vos clients. Parvenez-vous à remplir ce rôle ?
« Je fais ce que je peux, j’essaie de travailler proprement et de conserver leur confiance. Mais nos objectifs sont irréalisables en ne fonctionnant qu’au conseil. Donc, parfois, le conseil est biaisé. Je n’en suis pas fier. »
Le rapport avec les clients a-t-il évolué depuis 10 ans que vous faites ce métier ?
« Oui, clairement. Lorsque j’ai commencé, il restait encore un peu de respect pour le banquier. Aujourd’hui, c’est terminé. Les clients peuvent être très durs, nous mettre de mauvaises notes. Alors que le problème vient souvent d’un manque de temps et de moyens. »
Vous êtes donc notés par vos clients…
« Oui. Après chaque rendez-vous, le client reçoit un email pour nous noter. Si la note est inférieure à 8 sur 10, elle est considérée comme mauvaise et nous devons nous justifier. Cela a un impact sur la part variable de notre rémunération. »
Comment se passe la relation avec vos collègues ? Car vous êtes également des concurrents…
« En apparence, tout va bien. Mais tout le monde se surveille, regarde où en sont les autres et cela peut créer des tensions. Le mauvais « producteur » est regardé du coin de l’œil, car il ralentit l’agence. Une partie de la rémunération variable est, en effet, attribuée en fonction d’objectifs collectifs, au niveau de l’agence. »
« La problématique du sous-effectif est permanente »
Certains de vos collègues ont-ils démissionné récemment ?
« Oui, il y a des démissions et des arrêts maladie. On ne peut pas leur jeter la pierre : ils n’en peuvent plus. La problématique du sous-effectif est permanente. Aujourd’hui, tout le monde a un plan B ou un plan C, s’interroge sur l’opportunité de changer de métier. C’est également mon cas. »
Pourquoi, selon vous, votre employeur vous met autant sous pression, au risque de vous essorer ?
« Parce que ça marche, au niveau des chiffres. Et parce que les managers, souvent de l’ancienne génération, ont l’habitude de fonctionner au bâton. »
Comment voyez-vous votre avenir ?
« Je le vois ailleurs que dans la banque. J’ai envie de bien-être, de flexibilité dans mon travail. »
Que pourrait faire votre employeur pour essayer de vous fidéliser ?
« D’abord, revaloriser les salaires, qui ne sont vraiment pas très élevés. Ensuite, nous donner plus d’autonomie et de flexibilité. Arrêter de lancer toutes les semaines des challenges commerciaux. Et être dans la bienveillance et dans la confiance vis-à-vis des collaborateurs. »