Lutter, pas jalouser !
À entendre les médias, à écouter même les collègues en activité, l’affaire est entendue : les retraités, avec l’augmentation de 4 % au 1er juillet 2022, sont à nouveau privilégiés par rapport aux actifs. Il faut sans doute nuancer cette affirmation, et surtout ne pas opposer actifs et retraités.
4 %, c’est inférieur aux 6,1 % d’inflation qu’on nous annonce en ce début d’automne, c’est aussi plus que n’obtiendront beaucoup de salariés de Caisses d’épargne. Mais les retraites sont-elles vraiment augmentées de 4 % ?
Une fusée à plusieurs étages
La grande majorité des retraités actuels des Caisses d’épargne (mais pas tous) relèvent du même modèle : ils ont fait l’essentiel, souvent la totalité, de leur carrière en Caisse d’épargne, et ils ont eu une partie de cette carrière avant le 1er janvier 2000. Leur retraite se décompose en quatre parties. La retraite de base de la sécurité sociale, la retraite complémentaire versée par l’ARRCO-AGIRC, la retraite versée au titre du maintien de droits, la retraite versée au titre du régime supplémentaire. Sur ces quatre sources, seule la sécurité sociale a été augmentée de 4 %. Elle représente entre 20 et 40 %, selon les individus, des retraites perçues.
L’ARRCO-AGIRC ont-elles décidé d’une augmentation inférieure à celle de la sécurité sociale ? Nous l’avons craint un moment, le chiffre de 2,5 % circulant cet été. Finalement, le conseil d’administration, a décidé d’une augmentation de 5,1 % au 1er novembre 2022. C’est qu’il s’aligne sur la hausse du salaire moyen, et donc des cotisations, qui a été en effet de ce niveau.
Eh bien ! Nous voilà donc au-dessus des 4 % direz-vous. Pas exactement, car il reste ce qui est versé par la CGP.
Les spécificités « écureuil »
Le maintien de droits c’est, pour chaque salarié présent à ce moment-là, la différence entre les droits acquis avant le 1/1/2000 (date à laquelle notre régime a été réformé) à l’ancienne Caisse Générale de Retraites des Caisses d’épargne (CGRCE), et les droits repris par l’ARRCO-AGIRC. Le fonds constitué à ce titre est de 6 milliards d’euros. Il ne faut pas se laisser abuser par l’importance des chiffres : pour être certain qu’il pourra verser les pensions promises jusqu’à son extinction – très lointaine – le régime doit être piloté avec rigueur. S’agissant d’un régime fermé, qui ne reçoit plus de cotisations, ses gestionnaires n’obéissent plus aux mêmes règles que les régimes de base et complémentaires. Les éventuelles revalorisations sont alimentées par les seuls résultats financiers. Une provision pour participation aux excédents (PPE) est constituée sur la base de la différence entre les résultats financiers et le taux technique nécessaire pour assurer la viabilité du régime. C’est entre autres cette PPE qui, sur un certain nombre d’années limitées, peut servir aux augmentations. Si, sur les dix dernières années, il a été possible de faire un peu mieux que les régimes complémentaires, ce n’est pas le cas en 2022 où le maintien de droit n’aura été augmenté que de 0,8 %. Une logique de même nature prévaut pour le régime supplémentaire, plus drastique encore puisque le conseil d’administration a décidé de ne pas l’augmenter pour cette année.
Tous ensemble !
On le voit, au bout du compte – et même si la réalité est hétérogène – les retraités ne seront plus très loin des fameux 4 %, beaucoup même les dépasseront. Cela justifie-t-il certaines rancœurs exprimées par les actifs ? Même si, compte tenu de l’inflation, les retraités sont en perte de pouvoir d’achat, il est anormal que les salaires de chacun des actifs ne soient pas revalorisés au moins à la même hauteur. Mais les retraités n’y sont pour rien. Ils sont au contraire solidaires des actifs dans leur combat pour obtenir dans les différentes négociations annuelles obligatoires (NAO) des augmentations au niveau de l’inflation, et des augmentations qui soient le plus possible collectives.
Henri Bonetti